La Cinémathèque suisse a l’immense tristesse d’apprendre le décès de Jean-Luc Godard, ce mardi 13 septembre, à l’âge de 91 ans. Personnalité internationalement reconnue, le plus célèbre représentant du cinéma suisse laisse une oeuvre qui marquera encore longtemps le monde du septième art.
Né en 1930 à Paris, de double nationalité franco-suisse, Jean-Luc Godard est l’un des plus éminents cinéastes mondiaux, l’un des artisans majeurs de la Nouvelle Vague. Tout au long de sa carrière, il a à la fois témoigné des mouvements du monde tout en expérimentant de nouvelles façons de raconter des histoires et de réaliser des films. Son oeuvre a toujours influencé de nombreux jeunes cinéastes qui n’hésitaient pas à s’inspirer des multiples inventions formelles qu’il a toujours proposées.
Sa créativité est profondément enracinée dans sa vaste connaissance de l’histoire du cinéma et dans ses années en tant que critique dans les Cahiers du Cinéma. Il compte parmi les fils spirituels de la Cinémathèque Française et d’Henri Langlois, qu’il a soutenu sans faille dans les moments difficiles qui ont suivi Mai 1968.
La majeure partie de son travail est reliée à l’histoire du cinéma et parsemée d’hommages à ses grands classiques, à l’instar de la présence de Fritz Lang dans son propre rôle de cinéaste dans Le Mépris ou de la brève apparition de Samuel Fuller dans Pierrot le Fou. Il lui a consacré sa série Histoire(s) du cinéma, encensée par la critique, ainsi que son dernier film en date, Le Livre d’image, qui lui a valu en 2018 une Palme d’or spéciale au Festival de Cannes.
Jean-Luc Godard s’est toujours intéressé de près aux techniques de réalisation, des caméras légères aux appareils numériques les plus modernes, en passant par le développement de petites caméras 35mm avec Jean-Pierre Beauviala (Aaton), poussant dans ses derniers retranchements l’utilisation de la vidéo, du numérique (dans Film socialisme), de la 3D (dans Adieu au langage) ou du son en 7.1 (dans Le Livre d’image). Au début des années 1970, il fut également l’un des premiers cinéastes français, avec Carole Roussopoulos, à explorer les possibilités du système vidéo portable Sony.
Après Paris, puis Grenoble, il décide de venir vivre dans son pays d’origine, la Suisse, au milieu des années 70. En 1980, avec Sauve qui peut (la vie), dans une production qui réunit de nombreux jeunes techniciens helvétiques, il renoue avec le long métrage de fiction et impose un regard d’une extraordinaire modernité, où les effets de la vidéo (notamment l’arrêt sur image et le ralenti) amènent un lyrisme extraordinaire.
En s’installant non loin de Lausanne, il renoua avec la Cinémathèque suisse et son directeur, Freddy Buache. Certains de ses films, à compter des années 1980, furent tournés en partie dans les locaux et/ou avec le soutien de la Cinémathèque suisse. Il réalisa le fameux court-métrage Lettre à Freddy Buache (1982) lorsqu'on lui demanda un film sur la ville de Lausanne. Enfin, il fut l'un des principaux invités du Congrès de la FIAF à Lausanne en 1979, qui célébrait le 50e anniversaire du célèbre Congrès international du cinéma indépendant de La Sarraz (1929).
À travers son œuvre, il a toujours manifesté sa sensibilité et son intérêt pour le travail, les missions et les objectifs des archives du film, raisons pour lesquelles la FIAF avait décidé de décerner le Prix FIAF à Jean-Luc Godard à l’occasion de son 75e congrès, en avril 2019. Sa venue à la Cinémathèque suisse pour recevoir le prix fut l’une de ses dernières apparitions publiques.
La Cinémathèque suisse adresse à la famille et à ses proches ses plus sincères condoléances, et remercie Jean-Luc Godard pour son apport essentiel au cinéma et à notre patrimoine. Un hommage au cinéaste sera organisé le mardi 29 novembre prochain dans nos salles, suivi d’une rétrospective.
Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse
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Photo Philippe R. Doumic ©Doumic studio. Collection Cinémathèque suisse DR